17 décembre 2006

Sartre et les juifs

"C'est l'antisémite qui fait le juif " conclut Sartre dans sa "réflexion sur la question juive"(1946). "Il le crée, et s'il n'existait pas, il l'inventerait". Sartre tentait de comprendre le fait juif. Trop simple et réducteur comme le lui firent remarquer Raymond Aron en son temps et plus tard Benny Lévy dans ses entretiens qui lui valurent tant de reproches. Le Maître semblait reconnaître son erreur, son âge n'autorisait pas ce qui ressemblait à une manipulation! Non ce n'est pas le regard de l'autre qui construit un être aussi complexe et surtout aussi présent dans des points où personne ne le conteste. Il est vrai que Sartre tentait d'élargir sa grille de lecture du "huis clos"(1944) "l'enfer c'est l'autre"et l'appliquer à d'autres situations.

Le fait juif est inhérent à la naissance. On ne choisit pas, on naît juif ! On naît avec cette marque(la circoncision), accomplie ou non, car le Nom, aussi pour certains reste un repère. S'appeler Cohen ou Lévy n'est pas anodin, et chez les juifs orthodoxes cela correspond à des responsabilités. Le plus beau dans cette histoire est que l'on devient juif! C'est une construction intérieure, propre à chacun. Franz Rosenzweig l'analyse très bien dans "L'Etoile de la Redemption"(1921) Dans la plupart des cas, les parents ont choisi,, ils ont refait le pacte d'Abraham, en toute conscience, parfois pour s'inscrire dans l'histoire des patriarches, le plus souvent pour assumer leur part d'une Histoire qui n'en finit pas et qui a traversé les millénaires sans Jamais laisser indifférents. pourquoi? combien est-on à se poser un jour la question? Croyant ou non, circoncis ou pas, l'Histoire de ce peuple rattrape toujours ceux qui n'ont pas choisi la conversion. Au détour d'une phrase, d'une réflexion, d'une plaisanterie parfois tout simplement face à une haine, un rejet formulé sans ambages. Alors les questions affluent pour tenter de comprendre.
Il faut réécouter ce merveilleux texte d'Herbert Pagani qui l'a écrit en 1975 et qui reste si actuel.
Plaidoyer pour ma terre

06 décembre 2006

Les Dogmes

Les dogmes sont essentiels aux religions. Ils sont parfois difficiles à intégrer. L’intelligence, la raison, la culture n’ont pas ici leur place. Le dogme est une affirmation absolue, une certitude, qui seule a le privilège de n’avoir pas à être démontrée pour être acceptée. Une forme de barrage à l’intelligence toujours en quête d’une fêlure aux réalités. Et pourtant, les plus grandes intelligences humaines ont accepté dans bien des cas de les cautionner. Le plus curieux est de constater que ces dogmes ne résistent pas aux raisonnements scientifiques les plus simples.

Un dogme juif ? Moïse a écrit la Torah sous la dictée de Dieu. Pourtant dans la Torah, Moïse meurt et il est enseveli dans la vallée de Moab (Deut : XXXIV, 5-6) ;

Un dogme chrétien ? Jésus est né d’une vierge. C’est un mâle. Avec un chromosome Y, comme tous les garçons. D’ailleurs le calendrier grégorien portait la mention « circoncision » au 1 janvier jusqu’en 1970 où il a été transformé en « jour de l’an »donc obligatoirement un père humain mâle. Il est Dieu, il est homme et non pas « mâle et femelle » comme le stipule la bible(Gen-I-27) le génome du fils aurait pu nous aider à mieux connaître le père, d’autant que l’on s’approche à grands pas du déchiffrage de la carte du génome.

Un dogme musulman ? Mahomet est analphabète, il a dicté le Coran devant plusieurs scribes sous l’inspiration divine. Mais d’où viennent toutes les références bibliques ? Il ne lisait pas ?

Peu importe les incohérences parfois nécessaires pour asseoir le pouvoir des Rabbins, Prêtres et Mollahs qui sont les interprètes incontournables des écrits Saints. Ils sont sensés nous guider vers les meilleures voies de la félicité. Pas facile de déceler les éléments d’une réussite.

Circoncision_de_J_sus_Cath_drale_de_Chartres_

Circoncision de Jésus, Cathédrale de Chartres.

03 décembre 2006

Who is Jew ?

The answer is not so easy.
This thursday, november 30, 2006, at the SHUL of Surfside, the Rabbi Adin Steinsaltz was speaking about:" the Future Jew and the Jewish Future".
His proposal for this question was the most satisfaying I have heard at this time.
"The Jew is a person who will have jew grand children".

Et c'est tellement vrai.

09 novembre 2006

Les Bienveillantes

Les Bienveillantes(Jonathan Litell)

Une écriture captivante, fluide, réelle, une forme de Céline, aussi imagée et délirante. Un imaginaire inépuisable et une étonnante culture Franco-Gréco-Germanique. Erotisme, scatologie, sadisme, homosexualité, inceste, parricide,...rien ne manque dans cet enfer Dantesque que Littell décrit aprés avoir endossé l'uniforme d'un SS, un bourreau nazi non repenti qui se justifie. Les juifs sont massacrés et se laissent massacrer sans resister? Ils ne sont pas les seuls mais les plus nombreux et la haine qu'ils suscitent obsessionnelle. On ne peut s'empêcher de retrouver la belle analyse de Vassili Grossman(Vie et Destin,1ere partie, Ch 49_1962). Le bourreau, très cultivé, lâche mais parfois compassionnel décrit et se décrit avec une quasi délectation mais parfois un dégoût de lui-même, il est violent, sadique certes mais pourquoi homosexuel et incestueux, qu'est-ce que cela ajoute au monstre. Le récit nous fait oublier que cet américain de moins de quarante ans, né à New York, n'a pas connu l'époque des faits. Il est juif, il veut comprendre et puisque les bourreaux ne parlent pas, il s'en imprègne et devient l'un d'eux, pour mieux décrire et expliquer cette mécanique cérébrale qui peut rendre un humain plus cruel que la plus cruelle des bêtes. Après tout c'est bien "l'humain " qui a inventé le Diable et son antidote le "Bon" Dieu. Un visionnaire à rebourg?

08 juillet 2006

Le Livre

Il font un peu sourire ceux qui considerent le Peuple du Livre comme le fossile de la croyance religieuse. Ce Livre il est vrai, la Torah, est le socle des deux religions qui lui ont succédé.
Les chrétiens ont trouvé une formulation élégante à l'alternative que le Christ a engendré: Le Livre s'est fait chair et cette chair s'est sacrifiée pour racheter les hommes. La passion du Christ est un acte de foi merveilleux mais pourquoi faut-il à ce point faire des Evangiles une référence absolue, un nouveau Livre?
Mahomet fortement inspiré par les religions qui l'ont précédé va dicter, une nouvelle version de l'histoire d'Abraham et le Koran va devenir un nouveau Livre de référence que les musulmans éclairés étudient consciencieusement.
Il est dommage que chacun s'enferme dans la certitude de détenir la vérité définitive.

12 janvier 2006

Proselytisme

Pourquoi les juifs ne sont-ils pas prosélytes?

Parce que plus qu'une religion, le Judaïsme est une Histoire.

Maintes fois combattue, la religion juive reste suffisamment vivace pour embarrasser celles qui s'en sont inspirées. Peut-être était-ce un temps pour tenter de faire oublier la source qui les a engendrées.

Le fait d'être né dans le tissu de cette histoire, de découvrir que cette culture a survécu sans terre durant des millénaires, qu'elle s'est fondue dans toutes sociétés qu'elle a traversées sans perdre son âme est fascinant.

Découvrir les persécutions que les juifs ont subi siècle après siècle, constater qu'Israël devient le "bouc émissaire" de cette maladie étrange qui envahit l'esprit de certains jusqu'à en faire des mono maniaques de la haine du juif est déroutant. Cette prise de conscience réveille inexorablement l'appartenance à ce peuple millénaire. Le plus étrange est que souvent, l'être que les antisémites veulent détruire leur ressemble infiniment, qu'ils le côtoient quotidiennement sans le reconnaître ! Il semble que le mot les répugne plus que l'image! Cette représentation qui, depuis de siècles, leur a été transmise et qu'ils ont appris à identifier comme l'incarnation du mal !

La haine obsessionnelle du juif, d'abord véhiculée par l'Église puis l'Islam a atteint son apogée avec le nazisme. Un relais politico philosophique qui a révélé le plus haut degré de cruauté humaine imaginable. Dans une des nations les plus évoluées au monde, et cautionnée par un géant de la philosophie. Martin Heidegger s'était qui inscrit au Parti Nazi en 1933. Il n'ignorait pas sa doctrine raciale. Les plus grands esprits peuvent s'égarer lorsque la culture tente de se passer de la spiritualité. La culture n'a jamais été garante de l'éthique.

Pourtant le judaïsme est ouvert à qui veut entrer mais la porte reste étroite. Le rituel rigide et contraignant dont se sont débarrassées les suivantes pour favoriser le prosélytisme, semble un obstacle majeur. En réalité, être juif nécessite un retour vers le décryptage complexe des textes sacrés et l'océan des commentaires qui s'y rattachent. Pour certains le rituel suffit à combler leur attente. Pour la plupart, être Juif c'est rester rattaché à une Histoire et l'assumer.

• La Haggadah nous rappelle que nos ancêtres ont été des guérim sur ce qui deviendra la terre d'Israël et pratiquaient l'idôlatrie (âvoda zara), et ils furent guérim en Égypte, avec tous ce qui définit négativement aussi cette situation aux yeux des autres. Les prototypes sont Avram et Saraï qui accèderont à la connaissance, auront leur nom changé en Avraham et Sarah et deviendront les ancêtres des juifs. La situation de converti n'est donc pas extérieure à ce qu'est le juif ; au contraire, c'est l'essence du parcours juif. C'est pour cela que Yitro est placé avant même la phase de révélation par le don de la Torah (voir le commentaire de cette paracha). La conversion étant totale au niveau de l'identité, il est interdit de faire allusion à l'état d'un converti, ce qui serait rappeler son passé ; et cela, pendant dix générations.
Il n'y a pas de conversion sans circoncision et tévila (immersion rituelle dans le miqvé) pour l'homme

L'idée dominante dans le Judaïsme est la discipline. L'Homme doit se soumettre à la loi pour servir Dieu.

Pour les chrétiens Dieu est tout Amour, le pardon acquis pour qui le demande.

Les protestants se sont débarrassés du péché originel pour faire du don de la vie une grâce. Il n'y a plus de contrainte.

L'Islam s'épanouit dans la soumission à Dieu et son prophète.

Le Bouddhisme, religion sans dogme et sans théologie, encourage la recherche personnelle de l'équilibre intérieur. Une expérience personnelle de la fragilité et de la tolérance.

L'Histoire juive s'est perpétuée sans terre, alors que sa spiritualité est sous tendue par la promesse divine d'y aboutir. La terre promise n'est toujours pas celle ou coulent le lait et le miel. L'Histoire n'est pas finie. Si le Judaïsme n'est pas prosélyte c'est peut-être parce qu'il a son attente et ne l'impose à personne.

Ni le Christ ni Mahomet n'ont mis fin à la haine des juifs. Qui a pu expliquer cette haine séculaire? Le Messie accomplira sans doute ce miracle. Les juifs ne sont pas prosélytes parce qu'ils n'ont pas encore reçu de réponse