23 avril 2007

L'Aventure Humaine: Jacques Soustelle

La civilisation est ce qui nous oppose à la barbarie. C’est une forme de culture sociale comprenant une langue, des croyances, et des valeurs communes à un groupe d’humains, plus ou moins étendu. Pour certains ethnologues, comme Spengler*, les civilisations évoluent comme des organismes, de telle sorte que de leur naissance à leur mort, certaines lois peuvent leur être appliquées, elles semblent toutes passer par des étapes bien déterminées. Ainsi chaque civilisation aurait sa durée particulière, durée vitale distincte du temps abstrait.
Nous connaissons tous de nombreuses civilisations qui, après avoir imprégné leur époque, sont passées par un apogée et un déclin pour enfin disparaître. L’application de cette analyse se heurte à plusieurs difficultés.
C’est ici que s’inscrit la réflexion de J.Soustelle en 1966

"Il peut arriver, qu’une civilisation cesse de s’incarner, pour une longue période, dans une société déterminée, sans pour autant cesser d’exister en tant que complexe de traits et de thèmes culturels. Le cas du judaïsme apporte la preuve de cette affirmation. Cette civilisation avait apparemment atteint son apogée sous les règnes de David et de Salomon, quand culture, société et État coïncidaient sur le territoire palestinien entre 1000 et 900 avant notre ère. Mais la scission de la société juive en deux États et la dispersion des Hébreux a la suite des invasions de Sargon et de Nabuchodonosor, lui portèrent le premier d’une série de coups terribles qui s’acheva par la destruction du temple de Jérusalem sous Titus et la liquidation de la révolte de Bar Kochba en 135. Depuis lors et pendant dix-huit siècles, il n’a plus existé d’Etat juif ni même de peuple rassemblé soumis a l’autorité d’un autre État, mais seulement une multitude de communautés dispersées, vingt fois chassées, exilées et persécutées, exterminées dans le monde chrétien et le monde musulman. Pourtant la civilisation hébraïque a survécu : Non point grâce au support matériel d’une « race », car non seulement il n’y a pas de race juive mais l’Histoire de la Diaspora montre que l’élément sémitique issu de la Palestine a reçu au cours du temps, l’apport de groupes ethniques divers, en particulier pas le biais de conversions au judaïsme ; partiellement grâce au maintien de l’hébreu comme langue rituelle, mais dans les communautés ou l’araméen, l’arabe, le yiddish, le ladino, ont été les langues de la vie quotidienne; essentiellement parce que cette civilisation, sans base territoriale, et sans structure politique s’est cristallisée autour d’un système d’idées religieuses et morales, de règles de conduite, d’attitude devant le monde et la vie. Elle s’est exprimée dans des livres sacrés et dans les commentaires de ces livres : La Bible (Torah), les explications du texte biblique (midrash) ; puis dans l’enseignement oral et dans les traditions (Mishna)dont la codification avec les gloses, anecdotes et apologues, lois et règles de toute nature qui en découlent a formé les Talmud de Babylone et de Palestine. Il est remarquable que l’immense travail qui a abouti à doter d’une structure intellectuelle et morale une civilisation sans terre et sans Etat se soit poursuivi et ait été mené à bien précisément à partir de l’effondrement de sa base territoriale et de sa charpente politique, entre le IIe et le VIe siècle.
Suivant son cours particulier dans la dispersion, la civilisation hébraïque, comme celles de l’Islam et de l’Europe auxquelles elle était associée sans se confondre avec elles a subi l’influence de l’hellénisme sous sa forme néo-platonicienne avec Philon d’Alexandrie et l’Espagnol Ibn Gabirol, ou sous sa forme aristotélicienne avec Maïmonide. Elle a exercé la sienne sur les Arabes et les occidentaux ; entre elle et ses contemporaines, en dépit des heurts périodiques, on observe le même genre d’actions réciproques que celle que l’on relève dans les civilisations dont les territoires sont juxtaposés. Des livres comme la Source de vie, d’Ibn Gabirol, le Guide des égares de Maïmonide, plus tard la mystique du Zohar, ont eu un retentissement étendu et dans le monde arabe et chez les penseurs chrétiens. Comme toutes les civilisations, celle des Hébreux a cherché a s’adapter aux circonstances changeantes et , ne pouvant le faire,
à la manière des autres, par le jeu d’institutions régissant un corps social rassemblé sur un sol, elle a réagi par l’échange des « questions et réponses » entre les communautés dispersées en Europe et dans l’empire ottoman, par les études et les spéculations des écoles comme celle de Safed en Palestine et des yeshivoth de Pologne, de Lituanie et d’Ukraine. Échappant au danger de la fossilisation, elle a donne naissance a des mouvements mystiques comme la Kabbale, au hassidisme, au réformisme moderne, au sionisme, et a travers toutes ces aventures spirituelles traversées de terribles tribulations matérielles, elle a conservé ses structures fondamentales : Monothéisme exclusif, prépondérance de la morale, combinaison très particulière de la doctrine de l’alliance avec Dieu et de l’universalisme. Ainsi quand les événements ont rendu possible la restauration d’un État hébreux, ce moule territorial et politique a-t-il pu recevoir, incarné en vingt groupes physiquement hétérogènes et parlant plusieurs langues distinctes, une civilisation qui avait maintenu son identité malgré un exil de presque deux mille ans.
Comme tous les cas extrêmes, celui qui vient d’être mentionné est chargé d’une valeur démonstrative toute spéciale. Il souligne l’autonomie du fait « civilisation »par rapport aux phénomènes biologiques, économiques et politiques avec lesquels on le confond trop souvent. Il montre également que les civilisations, telles que nous les connaissons, et telles qu’elles se présentent pendant une durée très courte de l’histoire humaine, constituent des phénomènes singuliers qu’il est bien aventureux de réduire a des lois générales."

Texte tiré de : Les quatre Soleils, par Jacques Soustelle, 1966. Souvenirs et réflexions de trente-cinq ans de recherche d’un ethnologue au Mexique

* "Une culture naît au moment où une grande âme se réveille"(Spengler)

14 avril 2007

Pourquoi les Juifs

Qu’est ce qui fait que le Judaïsme à ce jour reste une énigme tant par sa longévité que par sa vigueur ? Qu’est-ce qui fait qu’il suscite cette haine obsessionnelle et millénaire et qu’en son sein des personnalités jaillissent, parfaitement assimilées, qui tantôt se cramponnent à la culture environnante, tantôt se réveillent de cette torpeur pour s’abreuver à la source qui les a vus naître ? La réponse est inscrite dans la Mezouza de chaque porte des demeures juives et dans le Tephillin, sur ces petits cubes noirs que portent au front et au bras les juifs en prière, la lanière sept fois enroulée sur l’avant-bras et achevant sa course en enserrant le majeur et la main coté cœur.

« Écoute, Israël! L'Éternel, notre Dieu… Mettez dans votre cœur et dans votre âme ces paroles que je vous dis… Vous les lierez comme un signe sur vos mains, et elles seront comme des fronteaux entre vos yeux… Vous les enseignerez à vos enfants…Tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes… Moïse dit au peuple: Souvenez-vous de ce jour, où vous êtes sortis d'Égypte, de la maison de servitude; car c'est par sa main puissante que l'Éternel vous en a fait sortir… On ne mangera point de pain levé… Pendant sept jours, tu mangeras des pains sans levain; et le septième jour, il y aura une fête en l'honneur de l'Éternel…. Tu diras alors à ton fils: C'est en mémoire de ce que l'Éternel a fait pour moi, lorsque je suis sorti d'Égypte. Ce contrat est inscrit dans la Torah que Moïse a révélée aux Juifs. (Ex.13, 1-16 Deut. 6, 4-9 13, 13-18).
Être juif, c’est s’inscrire dans cette continuité. Les milliers de consciences éclairées qui ont transmis chacune avec son génie, les secrets et les richesses de la Torah sont le véritable artisan de ce miracle permanent, celui de la différence. Les juifs ne sont pas exceptionnels, leur destin l'est. Ceux qui ont quitté cette Histoire par conviction, par force ou par dilution, n’ont plus à en souffrir, Ils vivent leur quotidien et leur futur comme un long fleuve tranquille. Ceux qui restent dans l’Histoire vivront à jamais ce défi permanent, celui de la différence. Plus encore, celui d’être une minorité, imprégnée et marquée par son Histoire, et qui s’y accroche avec la certitude absolue d’être dans sa vérité. Cette vérité commence avec Abraham, qui nous engage dans cette voie essentielle. Il y a un Dieu, il est UN, et parle à ceux qui l’écoutent. « Chemah Israël : cela veut dire « écoute » et pour entendre il faut y croire ! Le fils d'Abraham, Isaac et son petit fils Jacob, le prolongent et le perpétuent sa Foi à travers leurs enfants. Les douze fils de Jacob et sa fille Dina vont compléter cette famille née de quatre mères, Léa, Bila, Zilpa, Rachel.
Qui a t-il de plus humain, de plus actuel que cette nombreuse famille avec des enfants si différents ? Tous les caractères humains sont inscrits dans ces enfants qui feront les douze tribus d’Israël.
La suite de l’Histoire est familière à ceux qui l’aiment. Joseph et ses tourments, Joseph et son génie des rêves, quoi de plus beau qu’un rêve ? Une attente, un espoir, parfois un présage et toujours une forme d’accomplissement où l’on retrouve les racines du futur. Mais toujours un fil, un petit fil rouge, qui marque celui par qui le destin va s’accomplir. Tout se passe comme si l’on attend à chaque naissance, le futur « phare » de l’humanité.
Nous sommes nombreux à espérer accueillir durant notre vie celui ou celle par qui la haine, la colère, l’intolérance, la jalousie disparaîtront à jamais de la nature humaine. À ce jour. Il n’est pas né
Avril 2007 (en réponse a Eber Haddad)

15 février 2007

Etre Juif

Benny Lévy- livre "Être juif" Éditions Verdier

L'Éternel Retour

Une intelligence supérieure qui cherche un père de référence, une énergie intellectuelle importante et le premier combat en mai 68 fortement imprégné par son premier tuteur, Althusser, marxiste, ce qui va l'amener a devenir le meneur de la Gauche Prolétarienne, un Maoïste pur et dur, athée bien sur, convaincant, surnommé PIERRE comme l'apôtre et Victor comme il se rêve. Caché derrière ce nom, un juif qui se cherche et qui approche le plus grand philosophe français en fin de carrière. L'auteur d'une "réflexion sur la question juive", si mal documentée. B.L. va tenter de compléter, sans culture juive et sans éclairage, la réflexion du maître,qui l'engage comme secrétaire particulier et fait de ce "sans papiers" un nouveau Français. La rencontre le l'oeuvre de Levinas va le faire "exploser". Il y trouve toute la matière à son RETOUR, comme le trajet de F.Rosenzweig qui a tant ébranlé Levinas. (F.R.avait rencontré la Foi, peut-être pas Levinas?) il veut aller plus loin. Il en ébranle Sartre déjà agé. A la mort de Levinas, ll décide d'aller vivre en Israël et fonde avec BHL et A.F. l'institut d'études Levinassiennes.

Son dernier livre "Être juif", est pétri de Lévinas. Il est confus sauf sur ce qui lui manque, la rencontre de la Foi simple de celui qui ne pense pas aussi fort et aussi haut que lui. Les Levinassiens sont pétris de culture grecque, et quelque part chrétienne. Je ne sens pas le Judaïsme dans ce livre sauf en ce qui concerne les petits-enfants victimes innocentes du choix fait pour eux par leurs grands-parents. Je comprends cette idée du mal inscrit dans le projet divin comme une donnée de l'ensemble mais je n'arrive pas a entendre que le mal d'Auschwitz puisse être transformé en "exultation" du fait d'avoir enduré la souffrance de Dieu? Cela c'est la passion du Christ et c'est déjà "vendu"! Ce garçon me chagrine dans sa recherche éperdue de Dieu. Il est trop intelligent ou pragmatique ou peut-être pas assez humble pour le rencontrer?? Une forme de Socrate ou de Manitou-Askenasy pour qui la parole est plus forte que l'écrit et dont il ne reste que ce qui l'ont côtoyé nous ont appris…