La contradiction entre la gnose et la Bible s'articule autour d'une jointure précise. Si, pour la gnose, Dieu est caché, pour la Bible, Dieu est inconnaissable. Celui qui lit cette phrase trop vite croit ces deux expressions synonymes, et il ne peut donc pas percevoir la profondeur de la différence qui en résulte.
Le Dieu de la gnose est caché par la création, qui est mauvaise ; mais l'initié peut le connaître en assimilant la tradition. Ainsi le parcours docile de l'initiation, communication d'un discours sur Dieu, permet d'accéder à la Vérité, tout entière contenue dans ce discours.
Le Dieu de la Bible n'est autre que le Dieu de la création, et s'il a parlé aux prophètes c'est pour nous le révéler. Le spectacle de la création nous dit donc sur Dieu tout ce que nous pouvons en savoir ; mais, si la nature ne ment pas, elle ne nous révèle pas la Vérité de Dieu qui est inépuisable. Il en résulte qu'aucun discours ne peut épuiser la Vérité, dont la recherche est une marche sans fin.
Ainsi l'orientation de la Bible (sinon sa lettre, bien sûr) répond, d'une façon précise, aux exigences de la science expérimentale. Le Talmud, écrit 1000 ans avant que la méthode expérimentale n'émerge en Occident, peut être lu comme un effort d'interprétation des expériences de la vie quotidienne, au ras des faits eux-mêmes, et selon un effort d'abstraction modeste - au rebours de la pensée platonicienne qui prétend procéder au partant des abstractions suprêmes que sont l'idée du Tout, puis celle du Bien, du Beau et du Juste etc. Il n'est pas étonnant que des personnes de culture hébraïque se soient trouvées à l'aise dans la démarche scientifique, qu'elles aient été parmi les chercheurs les plus féconds. Il leur était en effet plus facile qu'à d'autres de se libérer d'une pensée qui tend toujours à se figer sous forme de dogme.
By MichelVolle http://volle.com in mail december 29, 2003
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