Pourquoi les juifs ne sont-ils pas prosélytes?
Parce que plus qu'une religion, le Judaïsme est une Histoire.
Maintes fois combattue, la religion juive reste suffisamment vivace pour embarrasser celles qui s'en sont inspirées. Peut-être était-ce un temps pour tenter de faire oublier la source qui les a engendrées.
Le fait d'être né dans le tissu de cette histoire, de découvrir que cette culture a survécu sans terre durant des millénaires, qu'elle s'est fondue dans toutes sociétés qu'elle a traversées sans perdre son âme est fascinant.
Découvrir les persécutions que les juifs ont subi siècle après siècle, constater qu'Israël devient le "bouc émissaire" de cette maladie étrange qui envahit l'esprit de certains jusqu'à en faire des mono maniaques de la haine du juif est déroutant. Cette prise de conscience réveille inexorablement l'appartenance à ce peuple millénaire. Le plus étrange est que souvent, l'être que les antisémites veulent détruire leur ressemble infiniment, qu'ils le côtoient quotidiennement sans le reconnaître ! Il semble que le mot les répugne plus que l'image! Cette représentation qui, depuis de siècles, leur a été transmise et qu'ils ont appris à identifier comme l'incarnation du mal !
La haine obsessionnelle du juif, d'abord véhiculée par l'Église puis l'Islam a atteint son apogée avec le nazisme. Un relais politico philosophique qui a révélé le plus haut degré de cruauté humaine imaginable. Dans une des nations les plus évoluées au monde, et cautionnée par un géant de la philosophie. Martin Heidegger s'était qui inscrit au Parti Nazi en 1933. Il n'ignorait pas sa doctrine raciale. Les plus grands esprits peuvent s'égarer lorsque la culture tente de se passer de la spiritualité. La culture n'a jamais été garante de l'éthique.
Pourtant le judaïsme est ouvert à qui veut entrer mais la porte reste étroite. Le rituel rigide et contraignant dont se sont débarrassées les suivantes pour favoriser le prosélytisme, semble un obstacle majeur. En réalité, être juif nécessite un retour vers le décryptage complexe des textes sacrés et l'océan des commentaires qui s'y rattachent. Pour certains le rituel suffit à combler leur attente. Pour la plupart, être Juif c'est rester rattaché à une Histoire et l'assumer.
• La Haggadah nous rappelle que nos ancêtres ont été des guérim sur ce qui deviendra la terre d'Israël et pratiquaient l'idôlatrie (âvoda zara), et ils furent guérim en Égypte, avec tous ce qui définit négativement aussi cette situation aux yeux des autres. Les prototypes sont Avram et Saraï qui accèderont à la connaissance, auront leur nom changé en Avraham et Sarah et deviendront les ancêtres des juifs. La situation de converti n'est donc pas extérieure à ce qu'est le juif ; au contraire, c'est l'essence du parcours juif. C'est pour cela que Yitro est placé avant même la phase de révélation par le don de la Torah (voir le commentaire de cette paracha). La conversion étant totale au niveau de l'identité, il est interdit de faire allusion à l'état d'un converti, ce qui serait rappeler son passé ; et cela, pendant dix générations.
Il n'y a pas de conversion sans circoncision et tévila (immersion rituelle dans le miqvé) pour l'homme
L'idée dominante dans le Judaïsme est la discipline. L'Homme doit se soumettre à la loi pour servir Dieu.
Pour les chrétiens Dieu est tout Amour, le pardon acquis pour qui le demande.
Les protestants se sont débarrassés du péché originel pour faire du don de la vie une grâce. Il n'y a plus de contrainte.
L'Islam s'épanouit dans la soumission à Dieu et son prophète.
Le Bouddhisme, religion sans dogme et sans théologie, encourage la recherche personnelle de l'équilibre intérieur. Une expérience personnelle de la fragilité et de la tolérance.
L'Histoire juive s'est perpétuée sans terre, alors que sa spiritualité est sous tendue par la promesse divine d'y aboutir. La terre promise n'est toujours pas celle ou coulent le lait et le miel. L'Histoire n'est pas finie. Si le Judaïsme n'est pas prosélyte c'est peut-être parce qu'il a son attente et ne l'impose à personne.
Ni le Christ ni Mahomet n'ont mis fin à la haine des juifs. Qui a pu expliquer cette haine séculaire? Le Messie accomplira sans doute ce miracle. Les juifs ne sont pas prosélytes parce qu'ils n'ont pas encore reçu de réponse